CNIGEM - Collectif National Inter GEM (Groupe d'Entraide Mutuelle)

3ème réunion du Comité Stratégique de la Santé Mentale et de la Psychiatrie Allocution de Madame Sophie CLUZEL, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre Chargée des personnes handicapées 23 janvier 2020

3ème réunion du Comité Stratégique de la Santé Mentale et de la Psychiatrie
Allocution de Madame
Sophie CLUZEL
Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre
Chargée des personnes handicapées
23 janvier 2020

(Le CNIGEM siège à ce comité)

Mesdames et Messieurs les membres du Comité Stratégique de la Santé Mentale et de la Psychiatrie,

Je vous souhaite d’abord une très belle année 2020 pour vous et tous ceux qui vous sont chers.

Je suis très heureuse de pouvoir m’exprimer devant vous à la suite d’Agnès BUZYN, pour évoquer le bilan et les de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie ».

Vous connaissez mon engagement à prendre en compte toutes les situations de handicap et à co-construire avec les personnes des réponses adaptées à chaque parcours de vie. Tant il est vrai « qu’il n’existe pas de santé, de bien-être ni de socialité équilibrée sans santé mentale », pour reprendre les justes termes du sociologue Alain Ehrenberg.

Dans un projet de société inclusive, promouvoir la santé mentale, c’est développer une véritable culture de la santé mentale.

C’est intégrer la santé mentale dès le plus jeune âge, dans tous les cursus d’éducation et de formation, à tous les niveaux des soins, de l’accompagnement social et des droits.

C’est 1 Français sur 5 qui au cours de leur vie sera confronté à une situation de handicap psychique. Un handicap invisible qui met les personnes au défi d’une singularité non visible, et encore trop souvent non dicible. Une invisibilité qui met nos concitoyens et la société toute entière au défi de s’adapter et d’accueillir ce qui ne s’accueille pas spontanément, mais où tout est à comprendre pour mieux accompagner.

Paradoxalement, pour ces personnes, c’est le regard des autres, parfois lourd d’incompréhension, qui va les rendre proprement invisibles. Cette frontière, nous devons encore la dépasser, pour que les droits reconnus et attachés à toutes les personnes par la loi du 11 février 2005 les incluent dans une pleine citoyenneté d’exercice.

  1. Bilan de l’axe 3 « insertion sociale-citoyenneté » de la feuille de route

Nous sommes précisément rassemblés aujourd’hui pour partager le bilan de l’axe 3 de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » qui concerne l’« insertion sociale-citoyenneté ».

Cet axe n’a pas été en reste lui non plus des avancées de la feuille de route évoquées par la ministre des solidarités et de la santé.

Ses actions s’inscrivent toutefois dans les champs plus larges des politiques du handicap, et pour partie, de la lutte contre les exclusions.

Le chantier ambitieux de transformation de l’offre d’accompagnement des personnes en situation de handicap, au cœur de ma feuille de route, est en effet convergent avec l’ambition de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie ».

Il s’appuie notamment sur la mise en oeuvre du plan quinquennal d’évolution et de transformation de l’offre médico-sociale, décidé en 2016, avec son volet spécifique « handicap psychique ».

Il est animé par la même dynamique que la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » : priorité au dépistage et à l’accompagnement le plus précoce possible ; intervention en milieu ordinaire avec l’appui d’équipes spécialisées; volonté de lutter contre la stigmatisation, approche par les droits et la citoyenneté.

Parce que l’entraide est un puissant médiateur social, les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) auront été une priorité concrète de notre feuille de route. Dispositifs souples, non soumis à orientation CDAPH, non médico-sociaux, où les personnes sont accueillies de manière inconditionnelle, les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) jouent ainsi un rôle essentiel dans la lutte contre l’isolement des personnes présentant des troubles psychiques. Ils leur permettent de recréer du lien social, de sortir de chez soi, de s’investir dans un collectif à la mesure de leurs besoins et de leurs souhaits.

Le soutien aux GEM ne s’est pas démenti en 2019 et j’ai moi-même eu le plaisir d’intervenir à la journée nationale des GEM, le 29 octobre dernier. Plus de 500 GEM sont recensés à ce jour. Signe de ce succès, une actualisation récente des textes les régissant a précisé leur élargissement aux personnes autistes. La stratégie nationale pour l’autisme au sein des TND prévoit en effet la création d’un « GEM Autisme » dans chaque département d’ici 2022.

Parce qu’accompagner le handicap psychique nécessite d’adapter l’ensemble des dimensions et lieux de vie des personnes, nous avons poursuivi l’effort en termes d’emploi.  

Le dispositif de l’emploi accompagné (action 35) permet quant à lui l’accompagnement vers et dans l’emploi ordinaire des travailleurs reconnus handicapés durant tout le parcours professionnel ; il offre un soutien adapté aux besoins des employeurs.

Il accueillait plus de 2000 personnes mi-2019. Les personnes avec troubles psychiques, déficiences intellectuelles ou troubles du spectre autistique représentaient 81% de ce public, lequel, in fine, pour près de la moitié a trouvé un emploi grâce à ce dispositif.

S’agissant de l’accès au logement (action 36), les premiers appels à candidatures ont été lancés en octobre 2019 pour l’attribution du forfait « habitat inclusif » créé par la loi ELAN, à des projets destinés à un public en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Certains pourront ainsi concerner le handicap psychique. J’ai eu le plaisir et le grand intérêt de visiter en décembre 2019 un dispositif de ce type géré par l’association GAPAS à Roubaix, où des personnes en sortie d’hospitalisation psychiatrique ont pu trouver un lieu de vie à caractère familial, à la fois intimiste et accompagné, où créer leur chez soi dans une continuité de parcours, d’attention et de soins. Nous devons amplifier, avec l’engagement de toutes les administrations qui faciliteront cette dynamique, la diversification des habitats, afin de tenir compte des besoins et des histoires de vie de chaque personne.

Consacrant la priorité accordée par le Gouvernement à cette modalité d’accès à un logement autonome, le Premier Ministre a confié le mois dernier à Denis PIVETEAU et Jacques WOLFROM, la mission de préparer le lancement d’une stratégie nationale pour le déploiement à grande échelle de l’habitat inclusif.

Un premier point d’étape est prévu à la fin de ce mois pour une remise du rapport attendue fin mars. Je porte un grand attachement à la diversification des choix d’habitat, en particulier à destination de tous ceux qui, souffrant d’un handicap psychique, ont besoin d’une maison où se sentir à la fois en sécurité et s’ouvrir au monde. Car investir dans l’habitat partagé, c’est investir non seulement dans les projets personnalisés d’habitat, mais c’est investir dans le capital social et d’accompagnement de tout un quartier. C’est ainsi que les personnes et leurs voisins deviennent pleinement, dans le vivre ensemble, des concitoyens. Plus qu’un palier ou une cage d’escalier, ils partagent une communauté d’appartenance et d’attention.

Par ailleurs, dans le cadre de la politique de lutte contre les exclusions, portée par Christelle DUBOS, je rappelle que les 18 000 places de pensions de familles recensées début 2019 ont vocation pour leur part à accueillir des personnes précaires, en souffrance psychique pour nombre d’entre elles.

S’y ajoute le dispositif « Un chez-soi d’abord », déployé en fin 2019 sur 12 sites, qui a démontré l’intérêt de favoriser en premier lieu un chez soi pour mieux créer les conditions du prendre soin. Son extension à d’autres sites est prévue jusqu’en 2023, notamment cette année en villes moyennes et zones semi-urbaines.

Il est complété par le lancement d’une expérimentation « Un chez-soi d’abord jeunes » avec l’objectif de déterminer si l’accompagnement doit être spécifique pour ce public, en particulier sur le volet de l’accès à l’emploi et du développement des compétences psychosociales.

Enfin, la commission « précarité et vulnérabilités » pilotée par la DGCS a poursuivi ses travaux d‘analyse des situations de non recours et des réponses disponibles et mobilisables.

Elle prépare un guide pour appuyer les professionnels et les structures, afin de mieux orienter, accompagner, ou soigner les publics précaires porteurs de troubles ou de handicap psychiques, qui trop souvent n’ont pas recours aux dispositifs de prévention, de soins et d’accompagnement de droit commun.

  1. En complément de ce premier bilan, je souhaite insister sur le fait, que seule une véritable alliance avec les personnes concernées par la maladie et le handicap psychique, nous permettra de réussir le pari de la société inclusive. Une société qui promeut les compétences des personnes en situation de handicap et qui accompagne tous les acteurs du droit commun à monter en compétences pour mieux les accueillir là où elles ont choisi de vivre.

 

C’est le principe de « rien pour nous sans nous » que porte la Convention internationale des droits des personnes handicapées et qui doit être mis en pratique par tous les acteurs qui travaillent sur les politiques et les dispositifs qui leur sont dédiés.

L’autodétermination et l’autonomie de décision, aussi petite soit-elle, doivent ainsi être le socle de tout projet individuel, ce qui implique l’évolution des représentations à tous les niveaux : celui des personnes elles-mêmes, de leurs proches et des professionnels. Cela passe notamment par la mobilisation des savoirs expérientiels, des personnes elles-mêmes, de leurs proches aidants et des pairs intervenants.

Qui saurait mieux jouer le rôle de médiation dans des situations de déni ou de renoncement aux soins qu’une personne qui vit avec une maladie psychique et qui a trouvé le chemin du rétablissement ?

Qui serait plus crédible pour parler des possibilités d’insertion professionnelle, malgré le handicap psychique que quelqu’un qui a réussi ce pari ?

Qui serait en capacité de rassurer les proches d’un jeune qui veut vivre dans un habitat inclusif qu’une personne ayant déjà relevé ce défi de la vie autonome ?

La mobilisation des pairs doit se développer tout autant dans le champ sanitaire, que dans les pratiques du secteur médico-social.

Nous devons également développer l’intervention de pairs dans les parcours de formation des professionnels, pour leur montrer tout l’intérêt des logiques d’alliance thérapeutique.

Mais c’est aussi à une autre échelle que nous avons besoin d’une véritable alliance avec les personnes concernées : celle du chantier de transformation de l’offre d’accompagnement.

Les personnes présentant un handicap psychique ne doivent ainsi plus devoir choisir entre l’hospitalisation, l’internat au sein d’un foyer médicalisé et une vie en milieu ordinaire qui serait synonyme de parcours de combattant, de restes à charge, de difficultés d’accéder aux soins, d’impossibilité de travailler…

L’objectif de la transformation de l’offre est de personnaliser et moduler les parcours, quel que soit le lieu de vie choisi, avec autant de droits ordinaires que souhaité et autant de droits spécifiques que nécessaire.

La société inclusive, c’est avant tout, avec pragmatisme et attention à chacun, une société du choix, pour ne laisser personne au bord du chemin.

Le développement des réponses aux interstices du secteur médico-social et du droit commun que je viens de développer permet de répondre à cet impératif.

Il nous faut continuer à innover dans ce domaine, en inventant des réponses modulables et réversibles, qui permettent autant d’accompagner dans le droit commun que de prévoir que les choix puissent se modifier, temporairement ou durablement.

Enfin, il faut donner aux personnes, les réels moyens de leur autonomie. La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) y contribue. Nous avons bien entendu les conclusions du groupe de travail de la CNH sur les enjeux de la PCH pour les personnes en situation de handicap psychique. Nous examinerons attentivement les conditions d’évolution pour une plus grande adaptation aux besoins.

Pour conclure mon propos, je voudrais vous inviter, pour cette nouvelle année d’engagement qui s’ouvre à nous, à faire croître ensemble notre pouvoir d’agir : celui des personnes en situation de handicap psychique, celui de nos concitoyens dans l’accompagnement de la différence, celui des professionnels dans le développement continu de leurs compétences, celui de nos institutions dans leur capacité de transformation et d’innovation.

Je vous remercie de votre attention.

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